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"L'Inde : miracle ou mirage économique ?" de Lourdes Picareta (2024)
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Entre hautes technologies et extrême pauvreté, enquête sur des contrastes qui menacent la stabilité du pays le plus peuplé au monde.
Vendue par la machine à propagande du premier ministre Narendra Modi, "l’ascension de l’Inde" semble tenir du miracle. Avec 6 % à 7 % de croissance, le pays désormais le plus peuplé au monde – 1,4 milliard d’habitants – affiche un développement vertigineux. À Bangalore, capitale des technologies de pointe désignée nouvelle Silicon Valley, l’aéroport aux allures de palais doré incarne à lui seul les rêves de grandeur de Narendra Modi, qui ambitionne de transformer son pays, déjà puissance nucléaire et spatiale, en superpuissance économique. Métros, autoroutes, ponts, lignes ferroviaires : un énorme plan gouvernemental d’infrastructures est censé doper sa compétitivité, quand un programme vise à attirer les investisseurs étrangers. Dans un monde multipolaire, l’Inde veut aussi se voir comme le porte-voix du "Sud global", professant "l’autonomie stratégique" pour pouvoir choisir ses alliances. Mais si elle est courtisée par l’Occident comme une alternative à la Chine – et par la Russie –, elle ne se hisse encore qu’à la 10e place des partenaires de l’Union européenne notamment et ne représente que 2 % des échanges commerciaux mondiaux. Systèmes de santé et d'éducation insuffisants (3 % du PIB, 15 % seulement des enfants savent lire et écrire correctement), accès à l’eau potable ou encore qualité de l’air dégradés : le sous-continent cumule aussi les indices de pauvreté, quelque 230 millions d’Indiens vivant aujourd’hui dans une extrême précarité. De plus, l’Inde ne parvient pas à créer des emplois, condamnant au chômage les jeunes qui déferlent chaque année sur le marché et une partie de la classe moyenne. Les inégalités salariales, comme la main-d’œuvre non rémunérée (35 % des femmes), moteur de sa croissance, augmentent. L’abîme se creuse ainsi entre les privilégiés et les plus démunis, 1 % de nantis concentrant 40 % des richesses du pays.
Bombe à retardement
Derrière l’euphorie affichée des nouveaux milliardaires, des start-up au développement stratosphérique à l’expansion de l’industrie pharmaceutique (30 % des médicaments génériques dans le monde y sont produits), ce documentaire montre comment les contrastes de l’Inde du XXIe siècle pourraient in fine menacer son avenir. Si le pays fait preuve d’un prodigieux dynamisme, certains économistes alertent sur la bombe à retardement de ses légions d’oubliés, qui risque de l’entraîner vers une crise sociale et politique explosive. Donnant la parole à ceux qui profitent de la politique libérale du "roi" Modi comme à ceux qui la subissent, le film met en lumière la course d’une nation qui navigue à vue entre essor économique et déclin démocratique.