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"Party" de Manoel De Oliveira (1996)
NOUVEAUTEVidéo numérique
Un titre méconnu qui incarne à merveille la veine littéraire de son auteur, tout en laissant poindre une note subtilement humoristique. Avec Leonor Silveira, Michel Piccoli et Irene Papas.
Dans un riche palais situé sur une île de l’archipel des Açores, un couple d’aristocrates frivoles, Leonor et Rogério, donne une réception luxueuse. À leur table, Michel, grand bourgeois libertin, ne cache pas son attirance pour son hôtesse, à laquelle il fait des avances sous les yeux de son mari et de sa propre femme, Irene. Si Michel ne parvient pas à conquérir Leonor ce jour-là, les deux couples se retrouvent cinq ans plus tard au même endroit, lors d’un dîner au cours duquel resurgissent le désir et la jalousie...
À fleurets mouchetés
Dans une œuvre aussi littéraire et délicieusement verbeuse que celle de Manoel de Oliveira, Party fait figure de prototype : une heure et demie de palabres à la tonalité volontairement théâtrale, loin de tout réalisme, sur les désirs contradictoires et complémentaires des hommes et des femmes. Cette logorrhée des sentiments et du désœuvrement, qui tente de retarder l’effondrement d’un monde aristocratique insouciant, est scindée en deux chapitres : le premier se déroule dans une atmosphère festive malgré un ciel grisâtre, donnant la sensation étrange de baigner dans les décors intemporels d’une pièce de Tchekhov, transposée au milieu de l’Atlantique ; le second, déployé dans la noirceur d’une nuit d’orage, sous les dorures oppressantes d’une vieille demeure lusitanienne, fait basculer ses protagonistes dans une cruauté évoquant August Strindberg. Ici, l’action et le suspense naissent des ombres dansant sur les vieux murs et des entrées et sorties des personnages, enfermés dans des plans à la composition rigoriste. Pour autant, la nature rigolarde du cinéaste, vieux monsieur facétieux trop heureux de continuer à créer, semble toujours empêcher le film de basculer dans le cynisme et le lugubre, à l’image d’un détail absurde du décor (l’immense barracuda empaillé trônant au centre de la table) ou du plan final sur le visage de son actrice fétiche Leonor Silveira, vibrant de romantisme et d’optimisme au terme de ce voyage au bout de la nuit des sentiments.