"Sandra Hüller - Anatomie d'une anti-star" d'Antje Harries (2024)

Vidéo numérique

De sa fidélité au théâtre à la célébrité mondiale apportée par le cinéma, Sandra Hüller évoque son art et son parcours, de "Toni Erdmann" à "La zone d'intérêt", en passant par "Anatomie d'une chute". Une vibrante rencontre avec une actrice éprise d'absolu.

Au théâtre comme au cinéma, Sandra Hüller se donne tout entière quand elle joue. Mais, très tôt, elle a érigé entre sa vie privée et le caractère si public de son métier une frontière inviolable, qui lui est plus nécessaire encore, dit-elle, depuis le triomphe d'Anatomie d'une chute. Après Toni Erdmann de Maren Ade, en 2016, et en même temps que La zone d'intérêt de Jonathan Glazer, également en compétition à Cannes en 2023, ce film "palmé d'or", écrit pour elle par Justine Triet, a valu à l'actrice allemande, entre autres, un César et une nomination aux Oscars. Surtout, il a contribué à révéler au-delà de l'Europe la puissance et la complexité de cette comédienne, aujourd'hui âgée de 47 ans, qui évoque sa consécration avec un détachement amusé. Ne mettant sa notoriété qu'au service de ses combats politiques, notamment contre l'extrême droite, elle refuse le statut de star comme les servitudes médiatiques qui vont avec. Aussi l'écouter parler de son art offre-t-il un plaisir rare. Parallèlement aux extraits de spectacles et de films qui illustrent plus de vingt-cinq ans de carrière, celles et ceux avec qui elle a travaillé enrichissent et complètent son propos, en évoquant la liberté, la détermination, la sincérité, mais aussi l'opacité qu'elle insuffle à chacun de ses rôles.

Mise à nu et retrait
De l'étudiante violentée par la religion de Requiem à la bonne épouse nazie de La zone d'intérêt en passant par la jeune cadre "optimisée jusqu'à l'os" de Toni Erdmann, l'employée de rayon maltraitée en secret d'Une valse dans les allées et l'indéchiffrable écrivaine d'Anatomie d'une chute, Sandra Hüller a incarné en un peu plus d'un quart de siècle une quarantaine de personnages aussi différents que possible. Mais en la regardant converser avec naturel avec la réalisatrice Antje Harries, on a le sentiment paradoxal de l'avoir déjà rencontrée sur écran, à travers chacun de ses rôles. Sûrement parce que celle qui a aussi joué au théâtre Penthésilée, Courtney Love et Hamlet n'hésite pas à se mettre à nu, dans un engagement et une proximité avec ses partenaires qui semblent consubstantiels à son travail. Elle explique dans ce documentaire que l’esprit collectif, qu’elle a connu dans sa jeunesse en RDA – elle est née en Thuringe, onze ans avant la chute du Mur –, est aussi vital pour elle que la mise en retrait. En tissant finement son témoignage et ceux des cinéastes Justine Triet, Hans-Christian Schmid et Jonathan Glazer, des metteurs en scène Claudia Bauer, Tom Schneider et Johan Simons, et des comédiens Franz Rogowski ou Stefan Hunstein, ce beau portrait propose aussi une variation sur l'art de jouer, aussi vibrante que nuancée.

Consulter en ligne

Chargement des enrichissements...